Violence 

La guerre populaire, comme quelque chose de vaporeux et de fluide, ne doit se condenser nulle part en un corps solide ; sinon l’ennemi envoie une force adéquate contre ce noyau, le brise et fait de nombreux prisonniers ; le courage faiblit alors, chacun pense que la question principale est tranchée, que tout effort ultérieur est vain et que les armes sont tombées des mains de la nation. Mais, d’autre part, il faut bien que ce brouillard se condense en certains points, forme des masses compactes, des nuages menaçants d’où enfin peut surgir une foudre terrible. Ces points se situeront surtout aux ailes du théâtre de guerre ennemi.[…] Il ne s’agit pas de briser le noyau, mais seulement de ronger la surface et les angles. »

Carl von Clausewitz De la guerre

La « Violence » est apparue assez tardivement dans l’histoire de la conscience, là où auparavant il y avait de la guerre, de la vengeance, du duel, du crime, nos corps et nos esprits sont maintenant forcés à ne reconnaitre dans les événements modernes que de « la violence ». La violence est partout présente dans le quotidien de chacun, sur la route, dans la rue, dans nos désirs, dans nos objets, dans nos animaux. Elle doit donc, être à chaque instant traqué et contrôlé, car elle est à la fois indispensable au contrôle de ce monde et dangereuse pour sa survie. Avoir un point de vue moral sur la violence c’est comme avoir un point de vue culinaire sur un moteur à explosion.

Dans ce désordre qui vient toujours des défenseurs de l’ordre, la violence civile annonce la reprise du débat. Ce que nous nommons débat n’est pas le Monopoly démocratique de l’Information, mais le moment où s’ouvre collectivement en actes (de la simple émeute à l’insurrection) la critique du monde présent et nous devons constater que chaque fois qu’un débat apparaît, le discours sur la violence est toujours le moyen d’arrêter et de censurer ce débat.

Les actes de violence qui se produisent dans ce débat sont avant tout des actes de guerre civile, ils décident du moment, et ce moment tranche et vérifie, sans retour possible. Ces moments sont un résultat, ils marquent la division (similaire à celle qui existe dans le spectacle) entre ceux qui la font (la violence) et ceux qui la regardent. Dans ce moment existe le retour du choix, entre ceux qui se battent et choisissent de le faire et ceux qui regardent, la force s’étale alors selon sa nature.

Le discours sur la violence est avant tout le discours de la société sur sa propre disparition, comme négation de toute intensité et de toute passion. Il est la fausse évidence, qui affirme l’impossibilité de changement, en proposant comme seules perspectives le modèle de subversions des défaites historiques précédentes. Un chant, que ce monde impose à chacun, pressentant la nécessité d’en finir et en même temps que cette fin sera aussi la sienne.

Pour nous le but et les moyens d’un changement sont à découvrir dans l’avenir et non dans les défaites précédentes. Chaque fois qu’apparait un mouvement qui ne se réclame pas de ces défaites, c’est une bousculade dans la tête, un abrégé des moments extrêmes de la vie,une occasion pour l’imprévu et le renversement, qui ouvre tout les possibles .

Dans les dernières émeutes de banlieues les acteurs y étaient sans parole, un film muet où l’affrontement, les incendies de la nuit, étaient toujours rapportés au réveil par la parole ennemi.Une série où les acteurs se regardaient agir au travers de la neige électronique. A contrario dans le mouvement actuel la parole y est très médiatisée, la culture, la loi, l’esthétique, le prolétariat, y sont sacralisés. L’existence s’y manifeste par le regard des autres dans l’hyper circulation des réseaux sociaux.

Le fossé reste à combler entre ceux qui étaient spectateurs lors des émeutes précédentes et qui sont maintenant acteurs et les acteurs sans parole devenus aujourd’hui spectateurs ; ils semblent que la victoire pourrait être réalisé par l’union de ceux qui sauront transformer la violence de rue en violence de la parole avec d’autres qui sauront transformer la parole publique en violence de rue, certains y contribue déjà.

Dans le débat, la réappropriation du monde commence par la réappropriation de la violence.

28/04/2016
Mourad Beleksir
Pour L’International Socièty of Historical Defeat

 

International Socièty of Historical Defeat : Franck Chrétien , Najet Benshorf, Mourad Beleksir, Alexis Koufodinas, Jurgen Noll , David Ackermann, Lucia Pinot Grigio.